Seniors et formation : le grand angle mort de l’employabilité
Face au vieillissement de la population active et aux réformes successives des retraites, la question de l’employabilité des seniors s’impose comme un enjeu stratégique. Plus présents sur le marché du travail, les salariés de plus de 50 ans sont pourtant confrontés à un paradoxe : alors même qu’ils disposent d’une forte expertise, leur accès à la formation diminue avec l’âge, accentuant leur vulnérabilité face aux évolutions des métiers.
Revaloriser le « capital seniors »
Former les seniors, ce n’est pas “rattraper un retard” : c’est investir dans la continuité, la transmission et la résilience des organisations. C’est aussi reconnaître que l’employabilité ne s’arrête pas à 50 ans. Elle se cultive tout au long de la vie.
En 2023, selon la Dares, seuls 58,4 % des 55-64 ans étaient en emploi, contre 82,6 % des 25-49 ans. En outre, le taux d’emploi des seniors en France reste en retrait par rapport à ses voisins européens. Cette réalité interroge directement la capacité des entreprises à intégrer durablement les seniors dans des parcours professionnels sécurisés et évolutifs.
Une fracture générationnelle dans l’accès à la formation
La sous-formation des seniors n’est pas une impression : c’est une réalité bien documentée. D’après la Dares, l’accès à la formation reste stable entre 18 et 44 ans (autour de 57 %), puis décline brutalement avec l’âge : seuls 20 % des 65-69 ans y accèdent encore.
Cette fracture interroge :
- Quels sont les freins et leviers spécifiques à la formation continue après 50 ans ?
- Quelles pratiques réelles de formation observe-t-on dans cette tranche d’âge ?
- Existe-t-il des écarts selon les secteurs ou les branches professionnelles ?
- Et surtout : la formation des seniors est-elle un sujet stratégique pour les employeurs aujourd’hui, ou reste-t-elle un angle mort de la politique RH ?
Une question systémique à analyser avec toutes les parties prenantes
Il ne sera pas possible de repenser efficacement la gestion des carrières longues, de lutter contre les stéréotypes liés à l’âge ou de faire émerger une véritable culture de l’apprentissage intergénérationnel sans une analyse approfondie et collective du phénomène.
Cela suppose d’associer :
- les entreprises, souvent démunies face aux enjeux de formation en fin de carrière,
- les organismes de formation, encore peu outillés pour s’adresser à ce public,
- les branches professionnelles, qui peuvent impulser des logiques de mutualisation,
- et les seniors eux-mêmes, dont les attentes et les parcours sont trop peu entendus.
La formation des seniors doit être considérée comme un levier de performance, d’adaptation et de cohésion intergénérationnelle. À l’heure où les carrières s’allongent, c’est un enjeu de compétitivité autant que de justice sociale.