Pourquoi le marché de l’emploi peine-t-il à valoriser les profils expérimentés ?

En France, plus on avance en âge, plus il devient difficile de rester dans l’emploi. Un paradoxe quand on sait que les seniors disposent souvent de l’expérience, des compétences et de la stabilité que recherchent les employeurs.
Des chiffres qui interrogent
- Le taux d’emploi des 55-64 ans en France est de 56 %, contre 62 % en moyenne dans l’OCDE*
- À 60 ans, seuls 35 % des Français sont encore en emploi**.
- Les demandeurs d’emploi seniors restent inscrits à France Travail 2 fois plus longtemps que les moins de 50 ans***.
*(Source : OCDE, Perspectives de l’emploi 2023, données disponibles dans la base de données de l’OCDE (Statistiques du marché du travail par tranche d’âge)).
**(Source : INSEE, Enquête emploi 2023 – Données annuelles. Cette donnée correspond à une estimation issue des courbes par âge (non publiée directement sous forme de taux par âge isolé, mais observable dans les graphiques par tranche d’âge))
***(Source : Dares – Synthèse Stat’ (2023) et données France Travail.En moyenne, les 50 ans et plus restent inscrits 15 mois, contre 7 à 8 mois pour les moins de 50 ans. Voir notamment les études Dares sur la durée d'inscription au chômage).
Trois freins majeurs
1. Les stéréotypes liés à l’âge Moins adaptables, moins à l’aise avec le numérique, trop chers… Les clichés ont la vie dure. Résultat : des profils pourtant qualifiés sont écartés, parfois dès la lecture du CV.
2. Le coût perçu de l’embauche Les rémunérations plus élevées et les craintes sur la rentabilité à court terme freinent certains employeurs. Pourtant, des dispositifs existent pour compenser ce coût.
3. Le manque de dispositifs adaptés Si les seniors ont droit aux dispositifs de reconversion classiques, peu sont spécifiquement pensés pour eux : bilan de compétences, validation des acquis, passerelles métiers restent trop génériques.
Accompagner autrement
Pour changer la donne, il ne suffit pas de prolonger l’âge légal de départ à la retraite. Il faut aussi sécuriser et valoriser les transitions professionnelles des seniors :
- Un accompagnement renforcé et individualisé (via le CEP, les Transitions Pro, ou les structures spécialisées)
- Une meilleure articulation entre les entreprises et les dispositifs publics pour construire des parcours adaptés
- Des actions de sensibilisation auprès des recruteurs pour déconstruire les stéréotypes
Et ailleurs en Europe ? Des approches plus inclusives de l’emploi des seniors
La France affiche un des taux d’emploi des seniors les plus bas d’Europe de l’Ouest. Pourtant, certaines de nos voisines ont su mettre en place des politiques plus efficaces. Quelques exemples inspirants :
🇸🇪 Suède : un marché du travail inclusif par nature Avec un taux d’emploi des 55-64 ans supérieur à 77 %, la Suède combine politique de l’emploi active et conditions de travail favorables. Flexibilité, formation continue, aménagement du temps de travail pour les seniors : tout est fait pour permettre de prolonger les carrières sans les subir.
🇩🇪 Allemagne : valoriser l’expérience, y compris en reconversion L’Allemagne propose des aides spécifiques à l’embauche des seniors (réduction des charges, accompagnement) et un effort massif sur la formation tout au long de la vie, y compris pour les publics les plus âgés. Les seniors sont vus comme une force d’appui dans la transmission et la résolution de pénuries de main-d’œuvre.
🇳🇱 Pays-Bas : retraite flexible et emploi à temps partiel Les seniors bénéficient de la possibilité de partir en retraite progressive, avec des temps partiels aménagés. Résultat : ils restent plus longtemps en emploi, dans de bonnes conditions.
✅ Et si l’expérience devenait un levier ?
Les seniors représentent un réservoir de compétences stratégiques, particulièrement utile dans les métiers en tension, les fonctions d’encadrement, ou la transmission des savoirs. À condition d’activer les bons leviers de reconnaissance et d’adaptation.
Miser sur l’employabilité des seniors ne passe pas uniquement par le report de l’âge légal de départ. Cela suppose de repenser les conditions de travail, l’accès à la formation, et les représentations sociales.
Il est possible de faire autrement, à condition d’en faire une priorité partagée entre pouvoirs publics, entreprises et accompagnateurs de parcours.
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