De l’insertion à l’ancrage : pourquoi l’accompagnement post-dispositif est la clé d’un parcours durable

Dans le champ des politiques d’insertion, les dispositifs se multiplient, souvent avec des intentions fortes : favoriser le retour à l’emploi, ouvrir une première porte, revaloriser un potentiel. Si leur mise en œuvre opérationnelle est cruciale, une autre question, tout aussi stratégique, reste souvent en marge des réflexions : Que deviennent les bénéficiaires une fois le dispositif terminé ?
🔎 Autrement dit : comment transforme-t-on un accès ponctuel à l’emploi en trajectoire durable ?
L’effet tremplin ne suffit plus
Les départements, en première ligne des politiques d’insertion, sont nombreux à innover. En Moselle, par exemple, le dispositif RELAI (Remobilisation vers l’Emploi via les Associations Intermédiaires) incarne cette volonté de créer des passerelles concrètes vers l’emploi, en mobilisant les Ehpad, les exploitations agricoles, les collectivités ou encore les bailleurs sociaux.
Mais une fois l’opportunité saisie, que se passe-t-il ?
Les données montrent que près d’1 personne sur 2 sortie d’un parcours d’insertion ne retrouve pas immédiatement un emploi stable, faute d’accompagnement adapté (Drees, 2022). Un contrat de quelques semaines, une mission ponctuelle, ou une insertion dans un secteur en tension ne garantissent pas une inclusion durable sans un suivi attentif et personnalisé.
Accompagner au-delà du contrat : une nécessité structurelle
L’accompagnement post-dispositif constitue aujourd’hui un angle mort de nombreuses politiques publiques. Or, les freins à l’emploi ne disparaissent pas une fois le contrat signé. Ils changent simplement de nature.
👉 Maintien dans l’emploi, compréhension des codes professionnels, articulation entre emploi et vie personnelle, projection dans un projet de formation qualifiante : ces étapes nécessitent une présence active des acteurs de l’accompagnement.
L’enjeu ? Passer d’une logique de “placement” à une logique de parcours consolidé, capable de résister aux aléas du marché du travail.
Ce que disent les données de terrain
Chez Qualitest, nous avons mené plusieurs enquêtes sur les trajectoires de personnes ayant bénéficié de dispositifs d’insertion, pour le compte de collectivités, départements ou structures associatives.
Quelques enseignements récurrents :
- Seul 1 répondant sur 3 se déclare accompagné dans sa recherche d’emploi ou de formation après le dispositif.
- 86 % des hommes en emploi travaillent à temps complet, contre 69 % des femmes. Ces écarts soulignent des freins spécifiques à la stabilisation des parcours selon les publics.
- Plus d’1 personne sur 2 reste dans le secteur d’insertion initial (ex : BTP, nettoyage, aide à la personne), mais souvent avec peu de perspectives d’évolution à court terme.
- Près d’1 répondant sur 2 en recherche de formation n’a pas d’idée précise du parcours visé, faute de conseil individualisé.
Ces chiffres doivent interpeller : ils rappellent que l’impact d’un dispositif ne se mesure pas à son taux de placement initial, mais à la robustesse des parcours qu’il parvient à enclencher.
Vers une évaluation centrée sur la sécurisation des parcours
Il est temps de repenser nos indicateurs. Les heures d’insertion réalisées ou les typologies de contrats sont des points de départ utiles, mais insuffisants. Ce qui compte désormais, c’est de mesurer le devenir des personnes dans le temps :
- Quels sont les taux de maintien en emploi à 6, 12 ou 24 mois ?
- Le bénéficiaire a-t-il accédé à une qualification, à un accompagnement pérenne ?
- Son projet professionnel a-t-il évolué, gagné en lisibilité ou en réalisme ?
Ce type d’analyse suppose des outils méthodologiques adaptés : enquêtes longitudinales, recueil qualitatif complémentaire, mise en place de tableaux de bord de suivi individualisé. Mais il constitue une clé stratégique pour ajuster les dispositifs et mieux cibler les besoins réels des publics.
Conclusion : piloter l’insertion comme une politique de long terme
Faire du suivi post-dispositif un axe central de l’évaluation des politiques d’insertion, c’est changer de paradigme. Ce n’est plus seulement “insérer”, mais consolider, sécuriser, permettre l’autonomie.
C’est aussi reconnaître que l’impact d’une politique sociale ne se décrète pas. Il se construit dans la durée, en associant les bons acteurs, en documentant les parcours, et en prenant le temps de comprendre ce qui fait (ou défait) une trajectoire.
Crédit photo : Pexels / Photo auteur : Fauxels